L'important n'est pas de nous déplacer mais bien de nous élever. Nous voulons traverser la dernière

mercredi 26 juin 2013

Le Myanmar, notre bilan, notre feedback.


See full size image Difficile de faire table rase de tout ce que l’on nous avait raconté de ce pays qui, d’une part, fait la « une » des destinations du moment et, d’autre part,  reste la destination préférée des plus grands voyageurs que nous avons rencontrés. 
Oups, à quoi pouvions-nous donc nous attendre ???









Le Myanmar, c’est d’abord, dès l’arrivée à l’aéroport, des gens d’une extrême gentillesse, authentiques et entièrement désintéressés dans la relation qu’ils nouent avec nous. Leur bonheur, c’est de vous avoir près d’eux, simplement pour échanger quelques mots en anglais qu’ils ont appris à l’école, ou quelques sourires amicaux qu’ils semblent avoir tous de façon innée.  Les hommes ont pour beaucoup, ce sourire permanent sur les lèvres et dans les yeux.

Mais en plus de cette qualité, ce qui frappe encore, c’est que le Birman est d’un tempérament calme et posé en toute circonstance.  Ils ont aussi ce tempérament comme souvent en Asie, de ne pas toujours savoir dire non.  Plutôt que de dire qu'ils ne peuvent pas être là à un rendez-vous ou bien de ne pas pouvoir mener à bien leur projet, ils disent oui et puis les choses ne se font pas spécialement. Il faut s'y attendre si on veut collaborer avec des Birmans nous expliquent les expatriés rencontrés sur place.  Ils sont cependant très honnêtes (on peut laisser traîner des affaires ou bien les oublier et les retrouver sans crainte).  En ce qui concerne les quelques touristes rencontrés, personne n'a jamais eu de mauvaise surprise et on peut dire que les Birmans sont fiables, courageux et travailleurs.

Nous sommes interpellés par tant de personnes cumulant tant de talents et ne parviendrons pas à comprendre d’où cela vient pour être universel ici.   Alors que nos deux aînées « tombent » littéralement sous le charme de plusieurs d’entre eux. Eux n’ont d’yeux que pour Camille ou presque. Ils lui offrent des cadeaux, la gardent dans les bras, emmènent les filles acheter des bonbons, les maquillent, jouent à cache-cache ou autre. Bref, elles sont aux anges avec les Birmans et nous avons la sincère sensation que le sentiment est réciproque. 

Si on a pu interagir avec eux parce qu’ils adorent exercer leur anglais et sont curieux d’apprendre et aiment les enfants voyageurs, nos échanges sont restés cependant légers et on n’a pas pu aborder franchement les grandes questions de fond qui nous titillaient et qui ont façonné ce peuple encore en souffrance. C’est simple, les Birmans ne sont pas autorisés à nous parler et au-delà de nous dire qu’ils souffrent énormément de la situation encore aujourd’hui, ou qu'ils s'en remettent à Aung San Suu Kyi qu'ils vénèrent littéralement, on n’en saura jamais bien plus.  Nous avons donc aussi fait attention de ne mettre personne dans l’embarras, évitant d’entrer dans de grandes discutions dans les endroits où ils étaient plus de deux. 

Après la population, ce sont les Bonzes que l’on voit partout autour de soi.  Ils sont conviviaux et viennent volontiers vers nous pour engager la conversation afin d’aiguiser leur anglais et d’en apprendre davantage sur le reste du monde.  Ils sont aussi influents sur la scène politique. La junte s’en méfiait et le gouvernement en place ne fait pas l’impasse de leurs dires.  
Certains d’entre eux descendent dans la rue, sont réprimés pour leurs propos qui parfois dérangent et d’autres sont en guerre contre les musulmans du pays. Mais avant tout, ils insufflent au pays et à sa population, un rituel général de dévotion qu’on aura rencontré nulle part ailleurs.  Tous les matins, entre 5h30 et 6h, des dizaines et centaines de bonzes parcourent alignés, en silence et pieds nus, les rues des villes et des villages pour l’offrande de la population.  Ils se voient offrir du riz, des fruits, des biscuits etc. Un Birman consacre 1/3 de ses revenus à des dons dans les temple et monastères. Partout fleurissent des pagodes, chacune plus dorée que les autres.  Toutes les familles mettront au moins un de leurs enfants au monastère, ne fusse que pour un passage temporaire. 

L’armée est aussi très présente et serait aussi importante que celle des Etats-Unis.  A la question de savoir que font les gens comme métier, les Birmans répondent que les jeunes des familles les plus pauvres sont soit militaires, soit policiers.  Mais on oublie parfois ceux que l’on ne voit pas, qui sont assis à la table à côté de vous et qui… écoutent et rapportent… Les informateurs sont encore bien actifs et les Birmans s’en méfient.  En plus des militaires et des informateurs, les Birmans craignent encore la police. Ils sont régulièrement extorqués au point que pour nous emmener en visite en tuk-tuk, notre guide a pris le soin de prendre pour chauffeurs deux anciens policiers. « Autrement, dit-il, je serais sans cesse ennuyé par les policiers du coin, au moins j'ai la paix ». 

Si le pays est pour un des plus sécurisants que nous ayons visité de par le monde, il ne l’est pas encore pour la majorité des Birmans. Les uns seront déplacés demain en contrepartie de miettes de pain, parce que le gouvernement aura vendu leur terre à prix d’or à des promoteurs de projets en tous genres. Les autres seront réquisitionnés pour réfectionner une route sous forme de travail non rémunéré pour ne pas dire forcé. D’autres encore prendront le chemin forcé de l’armée, ou de l’exil à la suite des millions de Birmans déjà exilés vers la Thaïlande ou d’autres pays. La diaspora est importante et elle renvoie l’argent à leur famille restée sur place.  Ci et là, pousse une belle maison avec des murs en brique. 
« C’est grâce à l’argent des parents exilés » : nous répondent-ils.  

Le pays souffre encore d’une immense pauvreté comme rarement vue ailleurs. Quelques Birmans (ils sont nombreux) extrêmement riches sont d’anciens proches de la junte ou aujourd’hui convertis dans de gros business, propriétaires de cimenteries, de mines de saphir, de diamant, d’émeraudes et autres pierres. Ceux-là, pour se déplacer,  peuvent posséder à eux-seuls (c’est du vécu) une Ferrari et deux Lamborghini.  Mais la plupart des Birmans de la campagne ne possèdent rien en dehors d’une maison de bambou au toit de feuilles de teck, de quelques équipements de cuisine, d’un char à bœuf ou d’une pirogue en fonction qu’ils habitent en campagne ou au bord de l’eau. Ici on se déplace encore régulièrement en calèche ou en char à bœufs en campagne, en vélo, en trishauw ou en bus dans les villes (motos interdites à Rangoon).  Nous sommes d’ailleurs surpris par l’absence de voiture privée dans le pays. A Rangoon, depuis que le gouvernement a levé la main mise sur le marché de l’automobile, les Japonais inondent le pays de leurs voitures à bon prix.  Les taxis sont tous neufs mais tout cela ne date que de 9 mois et le phénomène n’a pas encore envahi d’autres villes. Ce qui provoque à Ragoon un trafic épouvantable jamais vécu auparavant.

C’est tout cela (en fait un drame national) qui rend au pays ce caractère authentique tant apprécié du touriste ou du voyageur.  Et c’est vrai que pour rejoindre un site magnifique non encore aménagé, c’est beau et agréable de pouvoir se déplacer en calèche sur une piste ou une route défoncée, plutôt que via les embouteillages, en taxi rose fluo sur un bitume noirci par un trafic embouteillé. Arrivés sur place, plutôt que de faire la file vous serez gentiment accostés par un homme vous demandant de faire un don en guise de remerciement.  Si nos impressions répétées d’être seuls dans un monde antique nous ont ravis, on n’oubliera pas que la vie reste extrêmement dure et insécurisée pour les Birmans.
Au-delà d’être en proie du bon vouloir du gouvernement, de l’armée, de la police, des informateurs ou encore des businessmen les plus privilégiés, ils sont largement exposés aux accidents et maladies (50% d’augmentation des cas de Dengue en 2012) et n’ont aucun système de santé convenable pour les aider à prix raisonnables. Leur hantise est encore de tomber malades ou accidentés, parce que cela signifie souvent la ruine pour la famille. 
Leur système d’éducation fonctionne, mais est d’une médiocrité sans nom. Les professeurs sont sous formés et les élèves sortent des écoles sans avoir appris grand-chose.  Cela fait aussi la grande tristesse des parents d’aujourd’hui. 

Comme dans d’autres pays en développement, les Ong’s débarquent en nombre incroyable pour soutenir ces écoles et hôpitaux.  Mais leur travail n’est que de courte durée et trop ciblé. « Alors que fera cet enfant quand il arrivera en 4ème année et que l’Ong ne subventionne l’école que jusqu’en 3ème ?... il quittera et travaillera au champ avec ses parents », nous rétorque un Birman avec qui nous discutons. 

Le Myanmar avance aujourd’hui grâce à ces initiatives privées et humanitaires, largement soutenues par une population très volontaires et engagée mais totalement démunie de capacités pour arriver seule au bout de leurs peines.  Les politiciens aussi sont démunis et pour beaucoup d'anciens généraux qui ne siègent là que pour défendre leurs intérêt privés. Aung San Suu Kyi n'a sur cet échiquier que peu de marge de manoeuvre, mais sa présence est déjà symboliquement plus qu'ennuyante pour le gouvernement en place et signe de grand espoir pour la population.

Entretemps, tous les jours de nouveaux projets de développement émergent et les Ong continuent d’affluer en masse dans ce nouveau terrain propice où tout est à faire.  Mais cela a encore un coût. D’abord celui des importants bakchichs payés par les Ong aux « district officers » pour implanter un projet sur une zone. Puis celui de l’inflation notamment de l’immobilier à Rangoon où toutes ces boites veulent installer leur siège.  Les Birmans, déjà riches propriétaires, l’ont compris et augmentent le loyer de leurs villas pour les laisser à ces Ong's, boîtes privées chinoises et japonaises ou aux expatriés. Nous avons vu une maison dont le loyer passait de 2000 à 5000USD du jour au lendemain…  un coût insupportable pour les humanitaires… mais pas encore pour les entreprises chinoises et japonaises qui font fortune sur place. 

Le pays recèle un potentiel économique énorme. Des richesses sans point de comparaison sortent des montagnes et rivières sous formes de pétrole (0,75€/litre à la pompe), d’or, d’argent et de pierre précieuses. Les côtes sont paradisiaques et gorgées de poissons coralliens, les montagnes propices à la rando, les ethnies ouvertes à la rencontre,… mais il est encore trop tôt pour se lancer en tant qu’investisseur étranger.  Tout cela fait en ce moment l’objet des débats à la chambre.

Le pays avance très vite depuis 2010 (privatisation de la plupart des business) et changera encore radicalement d’ici 1 à 2 ans. Les distributeurs automatiques sont à peine apparus il y a quelques mois.  Les gens craignent encore d'y insérer leurs cartes de peur de se la faire avaler pour ne plus pouvoir la récupérer à défaut de technicien qualifié sur place.  Dans les banques, des montagnes de billets de banque trônent partout. Les gens en ressortent avec les bras encombrés de liasses comme on ne peut imaginer.  Les ongs et investisseurs retirent tout l'argent de leurs projets en cash au comptoir contre dollars... c'est hallucinant!

Mais le touriste est encore loin et préservé de ces enjeux majeurs et, comme nous (plus spécialement encore hors saison), il vivra un séjour paisible, porté par le calme des populations, des campagnes et par la ferveur de sa population majoritairement Bouddhiste.  Au Myanmar on a vécu et observé le pays comme il est, avec ses habitants et sans ses touristes, sans fioriture, tranquillement et paisiblement. On n’y vient pas encore pour « faire »… la fête jusqu’à pas d’heure,  des grandes randos sensationnelles, un sommet en montagne, du VTT sensation, du kayak de mer, du snorkeling,… Tout cela sera possible d’ici peu, mais ce n’est pas ce que nous cherchions en nous y rendant.

A refaire nous repartirions certainement hors saison, pour éviter les touristes, pour rencontrer les birmans qui ont plus de temps pour nous et vaquent à leurs occupation habituelles à ce moment de l'année, puis pour les prix qui sont moins élevés (moyenne de notre budget bien en-dessous de tous les autres pays visités).  On s'est laissé porté durant ce mois à travers ce beau pays en pleine croissance, dans un filet de calme et sérénité.

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